Friday, December 19

Pas de titre, pas de droit : la loi avant les pressions

Par Jean Castel / Économiste —- Le dossier du terminal Varreux‑TVB, présenté comme un investissement stratégique pour Haïti, ne peut être analysé sérieusement sans rappeler une réalité incontournable : aucune infrastructure portuaire ne peut fonctionner en dehors du cadre légal établi par l’État haïtien et par l’Autorité Portuaire Nationale (APN), seule détentrice de l’usufruit des terrains portuaires selon la loi.

Or, depuis 2019, la société MEWS n’a jamais été en mesure de présenter un titre de propriété valide, condition pourtant élémentaire pour toute opération portuaire. Les paiements effectués à la DGI à hauteur de 58 centimes de gourdes le mètre carré ne sauraient en aucun cas se substituer au droit de fermage légalement dû à l’APN, fixé à 1,50 USD. Cette situation constitue une violation manifeste des règles en vigueur et place MEWS dans une position d’irrégularité persistante.

Malgré l’absence d’autorisation formelle, MEWS a bénéficié de financements importants, notamment 20 millions de dollars provenant d’une institution française, pour construire un terminal à conteneurs édifié sans aval légal. Tous les gouvernements successifs de Jovenel Moïse à Ariel Henry, en passant par les autorités de transition, ont refusé de valider cette opération précisément en raison de ces irrégularités.

Le dossier est donc clair : l’État haïtien n’a jamais accordé l’autorisation d’exploitation.Dans ce contexte, le récent tweet de l’ambassadeur de France, Antoine Michon, interpelle. En s’adressant directement à des responsables haïtiens tout en ignorant délibérément l’APN, pourtant seule institution compétente, le diplomate adopte une posture qui s’apparente davantage à une pression politique qu’à une démarche diplomatique équilibrée.

Les insinuations contenues dans son message, ainsi que la manière dont il semble prendre fait et cause pour des intérêts privés français, soulèvent des interrogations légitimes.Il ne revient ni à un ambassadeur ni à une puissance étrangère de contourner les institutions haïtiennes, encore moins de s’ériger en arbitre d’un dossier où la seule question pertinente demeure : MEWS dispose‑t‑elle d’une autorisation légale et d’un titre de propriété conforme ? Si la réponse est non, alors la voie est simple : se conformer à la loi, régulariser la situation auprès de l’APN, et payer les droits dus.

La pression exercée aujourd’hui qu’elle provienne de groupes privés, d’anciens partenaires comme Bolloré, ou de relais diplomatiques ne saurait remplacer le respect des règles du jeu. Haïti a besoin d’investissements, certes, mais d’investissements transparents, conformes à la loi, et respectueux de la souveraineté nationale.

Il appartient donc aux autorités haïtiennes de maintenir une position ferme :pas d’autorisation sans titre, pas d’exploitation sans régularisation, pas de passe‑droit sous pression étrangère.La crédibilité de l’État et la protection du domaine public en dépendent.


Discover more from Actu 360°

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Leave a Reply

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.